jeudi 2 juillet 2015

ALGERIE......CHRONIQUES LIBRES D'ALGERIE SUR L'ISLAM & CULTURE

source EL WATAN



Chronique : Des chantiers urgents

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le 24.06.15 | 10h00 3 réactions

Après la chronique d’hier où nous avons abordé la question du terrorisme aveugle qui s’abat au nom de notre tradition religieuse, aujourd’hui, nous poursuivons en soulignant que le drame réside surtout dans le discours martial puisé dans la partie belligène du patrimoine religieux islamique – conforme à une conception du monde dépassée, propre à un temps éculé – qui n’a pas été déminéralisée ni dévitalisée.
Il est temps de reconnaître, dans la froideur d’esprit et la lucidité, les fêlures morales graves d’un discours religieux intolérant et les manquements à l’éthique de l’altérité confessionnelle qui perdurent depuis des lustres dans des communautés musulmanes ignares, déstructurées et crispées, repliées sur elles-mêmes.
Des sermonnaires doctrinaires idéologues le profèrent pour «défendre» une religion qu’ils dénaturent et avilissent. Plus que la caducité ou l’obsolescence de ces doctrines d’attaque et de violence légitimées par le divin, il est temps de les déclarer antihumanistes. Au-delà des simples réformettes, par-delà le toilettage, plus qu’un aggiornamento, plus qu’un rafistolage, qui s’apparentent tous à une cautérisation d’une jambe en bois, c’est à une refondation de la pensée théologique islamique qu’il faut en appeler, je ne cesse, pour ma part, de le requérir et je m’étais égosillé à l’exprimer.
En finir avec la «raison religieuse dévote» et la «pensée magique», s’affranchirdes représentations superstitieuses, se soustraire à l’argument d’autorité, déplacer les préoccupations de l’assise de la croyance vers les problématiques de l’objectivité de la connaissance, relèvent d’une nécessité impérieuse et d’un besoin vital. On n’aura plus à infantiliser des esprits ni à culpabiliser des consciences ni à fragiliser des êtres.
Les chantiers sont titanesques et il faut les entreprendre d’urgence : le pluralisme, la laïcité, la désintrication de la politique d’avec la religion, l’égalité foncière et ontologique entre les êtres par-delà le genre, la liberté d’expression et de croyance, la garantie de pouvoir changer de croyance, la désacralisation de la violence, la démocratie et l’Etat de droit sont des réponses essentielles et des antidotes primordiaux exigés partout dans le monde islamique. Ce n’est plus suffisant de clamer que ces crimes n’ont rien à voir avec l’islam. Le discours incantatoire ne règle rien et le discours imprécatoire ne fait jamais avancer les choses.
Ce n’est plus possible de pérorer que l’islam c’est la paix, c’est l’hospitalité, c’est la générosité... c’est irresponsable et c’en est même devenu insupportable. Occulter les raisons du mal laisse les plaies grandes ouvertes.Bien que nous le croyions fondamentalement et que nous connaissions la magnanimité, la mansuétude et la miséricorde enseignées par sa version standard, où jamais l’assassinat n’est la mesure de l’offense ! C’est bien aussi une compréhension obscurantiste, archaïque, passéiste, dévoyée et rétrograde d’une partie du patrimoine calcifié qui est la cause de tous nos maux.
Et il faut tout de suite la dirimer. Nous ne voulons pas que la partie gangrène le tout. Les glaciations idéologiques nous ont amenés à cette tragédie généralisée. Nous devons toutes les dégeler. La responsabilité nous commande de reconnaître l’abdication de la raison et la démission de l’esprit dans la scansion de l’antienne islamiste justifiée par une lecture biaisée d’une construction humaine sacralisée et garantie par «le divin». Il est temps de sortir des enfermements doctrinaux et de s’émanciper des clôtures dogmatiques. L’historicité et l’inapplicabilité d’un certain nombre de textes du corpus religieux islamique sont d’évidence une réalité objective. Nous l’affirmons. Et nous en tirons les conséquences.
L’ancrage dans la modernité ne saurait se faire sans une modernité intellectuelle fondée sur l’esprit critique, je l’ai déjà écrit dans la toute première chronique. Je regrette que nous ne l’ayons pas fait dans notre pays. Aucun colloque de grande envergure n’a pu se tenir, aucun symposium important n’a été organisé en vue de subsumer la violence «inhérente» à l’islam ; pas la moindre conférence sérieuse n’a été animée pour pourfendre les thèses islamistes radicales. Nous avons vécu sur la défaite de la pensée et l’abrasement de la réflexion.
Il est vrai que la pusillanimité et la frilosité de nos «hiérarques» nous ont causés beaucoup de torts. Leur incurie organique nous laisse attendre, tétanisés, la dramatique séquence d’après. Leur seul argument avancé est que nous sommes pris en otage par les fanatiques barbares. Or, face à la barbarie, il vaut mieux vivre peu, debout, digne et en phase avec ses convictions humanistes que de végéter longtemps en louvoyant, en étant complice, par l’inaction et le silence, de ce qu’on réprouve. Nous verrons la suite demain.
Ghaleb Bencheikh
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Chronique. Ghaleb Bencheikh(*)

Le choix de la facilité et du charlatanisme

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le 02.07.15 | 10h00 Réagissez

C’est dans un souci de laisser décanter les idées, un moment, à propos de la laïcité et surtout pour ne pas utiliser les colonnes du journal El Watan comme un support de cours d’une discipline à l’interface de la science politique et de la philosophie morale -l’effet immédiat serait de rebuter les chers lecteurs- que délibérément, je suspends la réflexion sur la question fondamentale de la laïcité. J’aurai à y revenir. Parce que la comprendre et voir son intérêt est primordial pour notre nation.
Aujourd’hui, la chronique porte sur la religion. Outre son étymologie latine religio, maintes fois ressassée, qui remonte pour la première fois à Cicéron, sous-tendant l’idée de «révérer une  nature supérieure que l’on qualifie de divine et lui rendre un culte», nous connaissons son sens en arabe et en hébreu. Nous n’avons pas à nous y appesantir. En revanche ce que je soumets à la sagacité des lecteurs, c’est ce que les anthropologues du fait religieux appellent la structure ternaire de la religion.
En effet, il y a la religion-force, la religion-forme et la religion comme cadrepour une expérience humaine du sacré et du divin.
La religion-force se présente toujours en matière de sens comme une référence. Elle offre des réponses aux sempiternelles questions auxquelles l’homme est confronté. Celles des origines, celles de la raison d’être dans cemonde.
Quel sens donner à la vie ? Pourquoi cette aventure terrestre ? Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Sommes-nous en «absurdie» ou y a-t-il un dessein à ce passage ? La fameuse grande pâque humaine qu’en est-elle au juste ? Et surtout les esquisses de réponses formulées pour les fins dernières et les questions eschatologiques sont bien édictées dans le cadre de la religion-force. D’aucuns appelleront cela téléologie : s’intéresser aux finalités, discourir sur le but de la vie.
Tandis que la rteligion-forme, à son tour, elle se subdivise en trois sous-branches. Ce sont la religion-refuge ; la religion-repaire et la religion-tremplin.
La première est lorsque la religion agit comme un refuge pour les opprimés sur la terre et le lieu d’expression de la détresse des hommes ; la deuxième est lorsque la religion devient un repaire pour les fanatiques et un espace d’évolution pour leurs obsessions extrémistes ; la troisième est lorsqu’on utilise la religion comme tremplin pour tous les carriéristes.
Avec tout mon respect pour les vocations réelles et sincères, je constate le nombre croissant de ceux qui se découvrent  une disposition à tenir un discours creux de type religieux avec emphase pour avoir un ascendant sur leurs semblables et accéder à la «notabilité». Il y a parmi eux des imams ignares autoproclamés. Ils viennent se mêler de la vie quotidienne de leurs coreligionnaires.
Parfois ils s’occupent, dans le moindre détail en s’immisçant dans leur intimité, de ce qui ne les regarde pas. Tout cela,  parce qu’ils ne peuvent pas agir autrement. Et dans la plupart des cas ils ne savent pas faire autre chose. La religion et l’imamat sont devenus le choix de la facilité et malheureusement celui aussi du charlatanisme, de la jactance et de la forfanterie.
Enfin, la religion peut offrir le cadre d’une expérience humaine du sacré et de l’intériorité de l’adoration de Dieu. Le culte voué au Seigneur n’a pas besoin d’ostentation ni d’étalage. Le recueillement et la contemplation des splendeurs de la Création incitent à un authentique ressourcement élévateur et salvateur. Ils induisent une volonté de comprendre le monde et de s’y aider avec le recours à la méditation et la réflexion.
C’est ainsi qu’on acquiert la connaissance et qu’on atteint la quiétude, la paix des cœurs et l’absence de troubles intérieurs. C’est ce que les Grecs appellent l’ataraxie.
Ghaleb Bencheikh

Farid Khodja chante à la basilique d’Alger

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le 01.07.15 | 10h00 1 réaction

Farid Khodja ou l’homme au r’bab, chanteur-interprète connu de musique andalouse, se produira pour la première fois à la basilique Notre Dame d’Afrique d’Alger le 5 juillet prochain à partir de 22h.

La date n’est pas fortuite puisque l’événement coïncidera avec la fête de l’indépendance. «C’est un hommage au peuple algérien à l’occasion de cette symbolique journée et un geste d’amitié à nos frères de l’islam en ce mois sacré du Ramadhan», déclare l’équipe d’animation de la basilique. D’habitude, Notre Dame d’Afrique reçoit des chanteurs lyriques internationaux, mais très rares sont les artistes algériens qui y ont donné un récital.

Le récital de Farid Khodja durera 90 minutes. «Ça sera un florilège de morceaux empruntés de la musique dite arabo-andalouse et ses genres voisins. On y chantera l’amour dans toutes ses formes d’expression, la création, un hymne à la beauté quoi ! Avant le concert, j’expliquerai à ceux qui ne comprennent pas l’arabe le sens des textes chantés», annonce-t-il.
Le public sera sans doute multiconfessionnel et il aura donc droit à un message universel. «La musique andalouse est le produit d’une concertation musicale étant née en Andalousie et qui s’est fortement nourrie des influences musicales locales. Beaucoup de textes de cette musique furent écrits par des non-musulmans. On peut dire qu’elle est donc arabo-islamo-judéo-chrétienne d’où s’explique son message universel», ajoute-t-il.
Pour que les chants soient purs et dégageant un vent de mysticisme, l’équipe de la basilique n’a pas prévu de matériel pour la sonorisation, et ce, histoire de ne pas «corrompre et dénaturer» «l’innocence» du son. Les textes chantés seront lourds de sens et seront bien évidemment accompagnés par de belles mélodies merveilleusement exécutées par l’orchestre de Farid Khodja. L’accès est gratuit !
Mohamed Benzerga
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CHANTER ......DU CAFE MAURE....AU BAIN MAURE........

C'EST UN SECTEUR CULTUREL ECOSOCIAL QUI SERA MENE PAR L'ECONOMIE SOCIALE & SOLIDAIRE & AIDER AUSSI AU DEVELOPPEMENT DE COOPERATIVES D'ADEPTES & DE MUSICIENS POUR SAUVER LES TRADITIONS..........

PARALELEMENT A NOS CAFES CHANSONS & CABARETS
 IL Y A UNE TRADITION ARABE & BERBERE DANS LES 
CAFES CHANTANTS & DE MUSIQUES, LOCAUX & JUSQU'EN EGYPTE LES CAFES POESIES 
& LITTERATURE...
....DES LIEUX MASCULINS A OUVRIR AUX FEMMES, 
A REFAIRE VIVRE FACILEMENT TANT LES ATTENTES &
 BESOINS DE CONVIVIALITE FLOTTENT DANS LES ESPRITS A ALGER, ORAN, CONSTANTINE OU AILLEURS..
....LE CAIRE, PARIS & BEIROUTH....OU DAMAS....
(avec une mention émouvante des Musiciens & Chanteurs Juifs historiques du Patrimoine Culturel Algérien Reconnu....dans l'esprit du Conservatoire de la Casbah retrouvé dans les Concerts EL GUSTO organisés dernièrement avec les survivants à cause du jeune âge & de l'éloignement par l'histoire des élèves...
 ..si contents & heureux de se retrouver....ne manquaient que les femmes qui ont joué un rôle mais disparues comme Alice FITOUSSI .....contemporaines de WARDA el Djazaira recem ment disparues mais plus âgées.......

Cafés maures du vieil Alger

Des réceptacles de mélomanes citadins

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le 02.07.15 | 10h00 Réagissez
 
 Des lieux mythiques en voie de disparition
Des lieux mythiques en voie de disparition

Dans une atmosphère conviviale et autour d’un café fleurant bon, les musiciens et autres mélomanes citadins se réunissaient, l’espace d’une qaâda, pour égrener leur répertoire musical.

Combien en reste-t-il de ces cafés rassembleurs d’une activité citadine qui encensait les lieux des Casbadjis de volutes musicales zyriabiennes ? Aucun, nous dira un octogénaire qui, tout enfant, se rappelle du climat ambiant qui régnait au cœur et aux alentours du vieil Alger. Il éveille sa mémoire pour portraiturer quelques scènes qui avaient pignon sur rue.
Qahouat Laârich, située au niveau de la rue Kléber qui n’existe plus et dont le nom est relatif à un pied sarmenteux de vigne sous lequel les amateurs de la djezoua laissaient couler leur dolce vita.
Bencharif, Sfindja, Yafil, Seror et les autres
Un café qui servait de réceptacle aux musiciens qui venaient décompresser en jouant des morceaux du répertoire andalou. Dans cette même vieille médina, il y avait Qahouet Bouchaâchou’e, où de vieux mélomanes citadins se rencontraient de manière assidue. Le grand maître Mohamed Sfindja, connu pour son activité artistique, fréquentait quotidiennement ces espaces. D’autres cafés maures ne désemplissaient pas de mélomanes, comme Qahouet Malakoff – qui renoue ces derniers temps avec les épigones du Cardinal – située à la rue du Vieux Palais, ou Qahouet el Boza, un autre lieu qui drainait de jeunes récipiendaires mélomanes.
Alger s’enorgueillit aussi d’une pléiade de musiciens de confession israélite qui ont contribué à la sauvegarde de ce patrimoine musical classique. Quand bien même ils ne maîtrisaient pas la langue classique, ils faisaient de la poésielittéraire zyriabienne une matrice culturelle, particulièrement lors des circonstances festives.
Aux côtés de Mahieddine Lakehal, Bencharif, Ahmed Sebti, Cheikh Mnemèche, Mohamed Bentefahi et autres Mustapha Kechkoul, les frères Bahar, Zemmouri dit Omar Hibi, Dahmane Benachour, pour ne citer que ceux-là, la liste de nomsde musiciens juifs séfarades est longue.
On peut citer Maâlem Ben Farachou qui, «(…) avec Cheikh Mnemèche,  fut celui qui connaissait le plus d’airs andalous. Décédé en 1904 à l’âge de 71 ans, Ben Farachou eut l’occasion de rectifier plusieurs airs mal appris par Sfindja, Mouzinou. Quant à Saïdi, qui jouait de  kouitra, c’était un musicien de grand talent. Il connaissait parfaitement le répertoire classique», écrivait Mahieddine Bachtarzi  (v/Jeunesse Action, n°6, 1977).
D’autres noms non moins célèbres dans le milieu musical brillaient dans le ciel du vieil Alger. On peut évoquer Lili El Abassi, chanteur andalou, Laho Seror qui excellait, dit-on, dans le jeu de la kouitra, le virtuose Saci (propriétaire lui aussi d’un café à l’ex-rue de la Lyre) qui grattait superbement la mandoline au même titre que son coreligionnaire Edmond Yafil. Studieux et persévérant, Edmond Yafil, fils de  Makhlouf Yafil, prenait plaisir à écouter les airs andalous que déclamait Mohamed Sfindja.
Ce qui l’amena, plus tard, à transcrire près de 500 airs qu’il prit soin de déposer à la Sacem. Il faut souligner qu’une bonne partie de la transcription de ce trésor est l’œuvre aussi de Mohamed Sfindja et du musicologue Jules Rouanet. Ce dernier était chargé de se documenter sur la musique arabe aux fins d’éditer une grande encyclopédie de musique.
Après le décès de Mohamed Sfindja, le 30 juin 1908, une guéguerre opposa, par répliques interposées dans la presse, Edmond Yafil à Jules Rouanet sur la paternité de la transcription.

Les échoppes, ces autres lieux d’échange et de savoir
Un autre café dit Qahouet Lafnardjia, qui faisait jonction entre l’ex-rue Porte Neuve et la rue Amar Ali, où les lampistes observaient une halte quotidiennement au milieu des alladjia et autres épigones de la zorna.
Aussi, à la rue dite Soukia, Mustapha Kechkoul initiait des musiciens en herbe dans un établissement musical privé, au moment où d’autres mélomanes, comme Hadj Omar Bensemmane, Mezghenna, Kezderli et autres Benguergoura et Mezaache échangeaient leur art zyriabien chez les tresseurs de tapis de jonc, les Bahar, à l’ex-rue Boutin, dont l’atelier qui ne désemplissait pas à une certaine époque a laissé place à un autre négoce.
Dire que certaines échoppes artisanales faisaient aussi office de lieux de rencontre où hommes de culture, animateurs de la télévision et la radio, cadis, personnalités du 4e art et sportifs devisaient sans complexe dans une ambiance osmotique.
A l’image, soit dit en passant du fameux cagibi de coiffure détenu par Mohamed Hachemi, dit Mouzaoui à la rue Souikia, jouxtant le premier cercle du Mouloudia : un réduit fréquenté par une classe éclectique, dont l’icône Abdelhamid Kzadri.
Plus bas, à la pêcherie, il y avait le café de Hadj Brahim côtoyé, lui aussi, par nombre de musiciens. Le maître du chaâbi, Hadj M’hamed El Anka, avait son propre café, le café des Sports situé à la rue Hadj Omar (ex-rue Bruce).
Le lieu, dont la façade revêtue de mosaïque n’est plus qu’un vestige, un lointain souvenir, où boxeurs, cyclistes et footballeurs y élisaient leurs quartiers. Des septuagénaires laissent flotter non sans une pointe de nostalgie des bribes de réminiscences de ce patrimoine immatériel. Quant aux cafés littéraires, on n’en trouve pas trace au sein du milieu citadin algérois.
Hormis Nadi ettaraqui, foyer à connotation religieuse, l’espace culturel algérois se prêtait à une autre atmosphère, contrairement aux traditions de certains pays du Moyen-Orient, où le café fait office de foyer littéraire par excellence, à l’image du café Fishawi du Vieux Caire qui a vu défiler les Tawfiq El Hakim, Taha Hussein et autres Naguib Mahfoud et bien d’autres cafés à Beyrouth ou Damas, où des récits de contes sont parcourus jusqu’à nos jours devant un auditoire passionné.

 M. Tchoubane
LES FEMMES ELLES PALABRENT ENTR'ELLES & 
CHANTENT DANS LEUR ESPACE FEMININ : 
LES BAINS MAURES.........


GIONS CENTRE ALGER

Bains maures dans le vieil Alger

Senteur et rituel au féminin

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le 11.06.15 | 10h00 1 réaction
 
 L’une des venelles de La Casbah qui abrite le bain maure.
L’une des venelles de La Casbah qui abrite le bain maure.

Outre sa fonction sanitaire qui permettait de faire peau neuve, le bain maure était un lieu social privilégié. C’était aussi la grande sortie pour la gent féminine qui, l’espace d’un moment, chassait le quotidien, se ressourçait et se laissait aller à des palabres intimes…

Jusqu’à une époque récente, le bain maure représentait un lieu vers lequel les femmes affluaient dans un cérémonial aussi agréable que complice. Elles prenaient le soin d’obéir à un canevas de règles d’hygiène, de savoir-faire et d’esthétique, surtout à l’approche du mois de Ramadhan.
Des dames qui se remémorent de cette procession de femmes qui s’amenaient avec leur sappâ (sorte de valise réalisée de manière artisanale avec de la raphia), leur fouta aspergée à l’eau de rose et autres accessoires d’usage pour leur toilette, comme «mahbas el hammam» dans lequel elles rangeaient les huiles saponifiées et détersives dans le fameux «el mark» comprenant saboun dzaïr (potasse au pouvoir nettoyant obtenue à partir  de combustion de lentisque ajouté au grignon d’olive), tfel (argile) et autres produits de gommage et d’épilation. Il est évident que la chose était loin d’être expéditive pour la femme qui se préparait pour aller se requinquer, l’espace d’un temps, dans une atmosphère de convivialité.
Les quelques établissements qui existaient dans le vieil Alger sont devenus, de nos jours, rares sinon détruits ou reconvertis pour un négoce qui s’échine à épouser l’air du temps. Hammam Yatû, hammam esghir, hammam Sidi Ramdane ou encore Hammam Bougueddour, à la rue Kleber (actuelle rue des Frères Bachara) dans l’ancienne médina ne sont plus qu’un lointain souvenir que la mémoire a peine à conserver.
Plus bas, dans le voisinage de la rue Hadj Omar (Bruce), on retrouve Hammam El Bey, à un jet de pierre du Hammam ed-dey dit hammam Sidna. Dans nombre de demeures d’El Bahdja, le hammam faisait partie de ces dépendances de base pour permettre à la gent féminine de se prélasser et se mettre sur son trente et un. Mais autres temps, autres mœurs, la «modernité» a fini par avoir raison, sommes-nous tenus de constater, de cette ambiance pleine de grâce autour du hammam et ces parfums suaves qui, autrefois, flottaient alentour.
De la trentaine de hammams publics recensés dans l’antique médina juste après 1830, il n’en subsiste à peine qu’une dizaine dont ceux qui ont résisté à l’usure du temps, comme Hammam Fouita, édifié par  Abdy Pacha, situé à la rue Nemours (rue Mustapha Ladjali), hammam Sidi Nadji, à proximité de la prison de Serkadji et Hammam Sidna, l’un des plus anciens bains maures publics qui vient d’être classé patrimoine national et qui se trouve dans le voisinage de Dar Mustapha Pacha, à la rue de l’Intendance.
Hadja Safia, une sexagénaire casbadjie égrène la douce souvenance d’un temps où le hammam, outre qu’il participait activement à mettre en valeur la femme et la khouda (jouvencelle) avant les fêtes de mariage, lui permettait de recharger ses «accus». Elle prenait ses aises en se préparant au rituel du hammam qui se faisait en deux temps, trois mouvements, nous raconte-t-elle.
Le sauna traditionnel et la hammama
La femme se soumettait à une séance de sauna dans une chambre dont le parterre est tapissé de branchages dits hammama : des branches et brindilles de plusieurs essences de bois comme l’eucalyptus, le genévrier que recouvrent des feuilles de sauge, camphre, romarin, marjolaine, camomille, tilleul et lavande, se rappelle notre interlocutrice.
La femme profite de la moiteur de l’étuve que génèrent les braises incandescentes en s’imprégnant des senteurs que libèrent les huiles médicinales aux vertus curatives certaines. En vase clos, les volutes aromatiques qui s’arrachent des plantes braisées provoquent l’exsudation qui permet d’éliminer toutes les impuretés. Le lieu s’embaume d’une fragrance. Au sortir de beit skhouna, évoque Hadja Safia non sans secouer sa mémoire en signe de zaman ya zaman, la Khouda récupère les pertes en se désaltérant avec un breuvage ‘‘phyto’’ dit maâ mqattâr.
Cette composition qui revigore, nous dit-elle, est obtenue par décoction ou distillation à partir de maâ ward (fleurs de rose odorante) dont la composition sont l’églantine (nesrine), le jasmin et  la fleur d’oranger mélangés aux clous de girofle, de noix de muscade et autres romarin et gingembre. «La séance de bain de vapeur traditionnel terminée, la femme revient le lendemain avec sa sappâ (corbeille ornée de passementerie et enguirlandée de feuilles aromatiques) que la tayyeba s’empresse de porter», enchaîne l’octogénaire khalti Roqiyâ dont le dos ploie sous la charge des ans.
Un lieu où le rôle de la nachta ou la nadhra (surveillante ou gérante, c’est selon) – ayant toujours un œil sur tout ce qui bouge –  se veut omniprésent aussi, renchérit-elle. Une autre vieille dame se met de la partie et convoque sa mémoire comme pour remonter le bon vieux temps qui fleurait bon. Alors que la maâlma est chargée de surveiller la bonne tenue de l’établissement et sa propreté, trônant sur la «bokana», une sorte de chaire avec un grand tiroir dans lequel elle mettait la recette, la tayebba, elle, aidait les femmes à la recherche de la nubile à la beauté plastique pour leurs fils. Autrefois, l’heureuse élue entrait au bain accompagnée de toute sa smala sous un enchaînement de youyous et de m’dih jusqu’à la porte du hammam.
La femme se gardait de manger avant l’entrée au hammam, contrairement à ce qui se fait à présent, nous confie khalti Torqia qui semble contrariée par le comportement d’une certaine frange qui semble blesser les convenances. De ces scènes qui flirtent avec la volupté et l’ambiance bon enfant, nous confient presque à l’unisson ces bonnes vieilles dames, il n’en subsiste que des bribes de réminiscences volées au détour de quelques derdachate. De ses scènes qui participaient à l’art de vivre et qui ne nous rappellent pas moins la strophe chaâbie du Cardinal, Youm el Djamaâ khardjou Laryam (…).
M. Tchoubane


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